Crédit : Georges Harry Rouzier.
Le projet Acosme,“Appui au continuum santé mère-enfant,” a pris fin en septembre 2022 dans le département du Nord d’Haïti. Sans partenaire technique et financier et dans un contexte socio-politique toujours plus difficile, l’aide internationale, dont celle du Canada, est sollicitée pour maintenir les soins et services de santé essentiels à la population. Le projet Acosme supportait plusieurs fonctions essentielles de santé publique, telles que la coordination des intervenants et la supervision. La fin du projet et l’absence d’autres supports substantiels se font présentement ressentir. Comme nous l’indique le Dr Ernst Robert Jasmin, Directeur départemental sanitaire du Nord du Ministère de la santé publique et de la population (MSPP):
“Parmi les défis actuellement insurmontables, il y a le départ des Ressources humaines de toutes catégories. Certain.e.s sont allé.e.s aux États-Unis dans le cadre du ‘’programme Biden’’, d’autres sont parti.e.s vers d’autres pays. La Direction sanitaire du Nord (DSN) n’est pas capable de les remplacer, car cela relève de la prérogative du gouvernement central. Or, les nouvelles nominations sont gelées depuis plus de 2 ans et cela affecte négativement le fonctionnement des institutions de santé. "
En attendant que la situation de crise actuelle à la base de cette déperdition soit apaisée, l’équipe de la DSN ne peut que miser sur un accompagnement et un soutien plus soutenu des personnes en poste, autant les gestionnaires que les prestataires, afin que les populations puissent continuer de bénéficier des soins et services essentiels dont ils ont besoin.
Parmi les principales réalisations de la DSN avec l’appui du projet en termes d’amélioration de l’accès, de la qualité et de l’utilisation des services, certaines ont pu être maintenues, et d’autres, au contraire, risquent de se perdre compte tenu de la situation actuelle. Vers la fin d’Acosme, certains axes porteurs avaient été identifiés pour assurer la pérennité du projet et le maintien des services et fonctions essentiels de santé dans le département. Pour le moment, ces axes continuent de bien fonctionner dans l’ensemble, malgré la situation difficile et l’absence de soutien national et international.
“Certaines habitudes sont rentrées dans la culture de la gouvernance au niveau du département et des institutions de santé. On peut citer notamment la prise en compte de la dimension EFH dans toutes les interventions, le travail avec la coordination départementale du Ministère à la condition féminine et aux droits de la femme pour maintenir une veille sur les violences basées sur le genre (VBG) dans la région, les pratiques de gestion impliquant la responsabilité et la reddition de comptes des responsables des centres de santé et l’implication des communautés pour le maintien en état des centres de santé modernes construits dans le cadre d’ACOSME.”nous indique le Dr Ernst Robert Jasmin.
Il faut souligner qu’en dépit d’une meilleure situation sécuritaire dans le Nord, contrairement à d’autres départements se trouvant sous le contrôle des gangs armés, la crise actuelle réduit les déplacements vers l’Ouest où les centres de santé doivent s’approvisionner en intrants essentiels et produits de santé. De plus, les communications entre le Nord et l'Ouest deviennent d’autant plus difficiles avec l’augmentation du coût du transport. Des appuis sont essentiels pour préserver et soutenir la résilience du système de santé.
Malgré les défis d'accessibilité, de rétention et de motivation des ressources humaines en santé, le directeur départemental a des pistes de solution à proposer aux partenaires pour maintenir l’offre de soins dans sa région.
“Avec les leçons tirées de la pandémie et de la crise actuelle, nous pourrions améliorer l’équité entre les dix-neuf communes en termes de personnel formé et de la mise en réseau des institutions de santé, pour rendre disponible une plus large gamme de soins de proximité et réduire les besoins de déplacement des usagers dans un contexte d’augmentation importante des coûts du transport local. Le besoin émane également de la population, qui espère qu’un nouveau projet soit prochainement mis en œuvre dans le département, avec autant d'humanisme, de flexibilité et de réalisations concrètes qu’a apporté le projet Acosme.” précise le Dr Ernst Robert Jasmin.
* Propos recueillis le 9 août 2023.
Quelques réalisations en image du projet Acosme :
1 : Mise à disposition des communautés éloignées de motos-ambulances pour l’évacuation des urgences, gérées par les Comités des femmes utilisatrices (CFU), 2 : Activité de sensibilisation afin d’encourager l’implication des pères de famille dans la vie familiale quotidienne, dont les visites de suivi de la santé des enfants., 3 : Vaccination à domicile d’enfant réalisée par un agent de santé communautaire polyvalent formé et encadré par Acosme. Crédit : Georges Harry Rouzier.
1 : Puit foré dans le cadre de microprojets réalisés par les CFU, pour améliorer la disponibilité de l’eau et l’hygiène dans la communauté 2 : Formation des jeunes écolièr.e.s sur la santé et l’hygiène menstruelle 3 : Centre de santé de Bahon : mise en place et appui à la gestion de la pharmacie institutionnelle. Crédit : Georges Harry Rouzier.
À propos du projet Acosme :
Initié en 2016 par le consortium Unité de santé internationale (USI) - Centre d’étude et de coopération internationale (CECI) et réalisé en collaboration avec le ministère de la Santé Publique et de la Population de la République d’Haïti, le projet Acosme a contribué à la réduction de la mortalité maternelle et infantile en Haïti, particulièrement dans les zones cibles du Département du Nord.
Le projet s’articulait autour de trois composantes. La première concernait l’amélioration de la prestation (offre et qualité) d’un continuum de services essentiels répondant aux besoins et droits des mères, des femmes enceintes, des nouveau-né.es et des enfants, incluant la planification familiale. La deuxième visait à l’amélioration de l’utilisation des services de santé par les femmes, leur famille et les jeunes. La dernière composante avait pour objectif la sensibilisation des publics canadiens aux problématiques touchant à la santé et aux droits des mères, des femmes enceintes, des nouveau-né.es et des enfants de moins de 5 ans en Haïti.
Les activités du projet ont touché près de la moitié de la population de la région, estimée à un million d’habitants, à travers un total de dix-neuf (19) institutions de santé partenaires. Les interventions du projet ont porté sur le renforcement de la gouvernance, l’amélioration de la prestation (offre et qualité), l’amélioration de l’utilisation des services par la mobilisation communautaire, à travers notamment les comités de femmes utilisatrices et les organisations de femmes.
Le projet Acosme a bénéficié de l’appui financier du gouvernement du Canada par l’entremise d’Affaires mondiales Canada.
Le projet Acosme a produit des résultats marquants tels que :
-Une meilleure gouvernance : système d'information sanitaire plus performant et leadership reconnu dans la coordination des intervenants en santé.
-L’amélioration de l’offre et de la qualité des services par la construction de trois centres de santé qui ont permis une meilleure accessibilité et prise en charge des besoins de soins de santé. Le partage des connaissances entre les équipes a été amélioré grâce à la mise en place d’une approche de formation-accompagnement des gestionnaires, prestataires de soins et personnel de soutien.
-La mise en place de 15 comités femmes utilisatrices (CFU) dans 5 communes afin d’informer, d'éduquer et de mobiliser la population à utiliser les services de santé. Les CFU réalisent également des projets communautaires tels que le forage de puits, l’utilisation de motos-ambulances pour l’évacuation des urgences ou la sensibilisation à la lutte contre les violences faites aux filles et aux femmes.
-L'intégration systématique de la dimension genre dans les activités de la DSN.
-La réalisation de cinq recherches opérationnelles, utilisant les données probantes pour la prise de décision.