
Éric Theriault, infirmier et récemment diplômé de la maîtrise en santé publique (option santé mondiale) de l’ESPUM, a réalisé son stage au sein de l’USI durant le semestre d’hiver 2025. Il a intégré l’équipe de l’initiative ProNurse, visant à soutenir la professionnalisation du secteur infirmier et à promouvoir l’autonomisation des femmes dans le domaine de la santé au Bangladesh. Le projet est financé par Affaires mondiales Canada et mis en œuvre par Cowater International, en collaboration avec des partenaires bangladais et canadiens, dont l’USI et la Faculté des sciences infirmières (FSI) de l’Université de Montréal (UdeM).
Le système de santé du Bangladesh fait face à une grave pénurie d’infirmières, exacerbée par une répartition inéquitable des ressources, des conditions de travail exigeantes et l’absence de formation spécifique pour les infirmières appelées à jouer un rôle de préceptrice lors de l'internat milieu clinique, obligatoire pour les nouvelles infirmières diplômées. Ces préceptrices sont chargées d’accompagner le développement professionnel des internes en leur offrant une supervision continue, des rétroactions constructives et un modèle de bonnes pratiques cliniques. Cependant, en l’absence de formation structurée au rôle de préceptrice, la qualité de l’accompagnement offert demeure variable.
C’est dans ce contexte que s’est inscrit le projet de stage d’Éric, dont l’objectif principal était de contribuer à la mise en oeuvre et à l'évaluation de la faisabilité et l'acceptabilité d’un programme pilote de formation en préceptorat en ligne, structuré en trois phases. Ce programme vise à renforcer les compétences pédagogiques des infirmières bangladaises chargées d’encadrer les nouvelles diplômées lors de leur transition vers la pratique clinique autonome. Les résultats du projet pilote ont servi de base à l’élaboration de recommandations en vue d’une mise à l’échelle pour l’ensemble des futures préceptrices au pays.
Pour réaliser ce projet, une méthodologie mixte a été adoptée, inspirée du cadre conceptuel de Skivington et al. (2021) pour le développement et l’évaluation d’interventions complexes.

Ce cadre conceptuel provenant de l’article A new framework for developing and evaluating complex interventions: update of Medical Research Council guidance de Skivington et al. (2021) divise la recherche sur les interventions complexes en quatre phases : le développement ou l’identification de l’intervention (« Develop intervention » ou « Identify intervention », l’évaluation de la faisabilité (« Feasibility »), l’évaluation de l’efficacité (« Evaluation ») et la mise en œuvre (« Implementation »).
Le programme pilote s’est déroulé en trois phases :
-La phase 1 a formé huit infirmières (appelées super-préceptrices) à Dhaka du 13 au 16 février 2025, en utilisant sept modules développés par le Preceptor Education Program (PEP, www.preceptor.ca) et adaptés au contexte local.
-La phase 2 a vu ces super-préceptrices former 22 infirmières dans deux hôpitaux régionaux (Cumilla et Khulna) du 6 au 10 avril 2025. Cette stratégie s'inscrit dans la logique de la formation des formateurs (« train the trainers »).
-La phase 3 (hors du mandat de stage) s’est déroulé du 14 au 19 septembre 2025, afin d’évaluer l’impact de la formation en préceptorat auprès des super-préceptrices, des préceptrices et des internes, une fois l’internat complété. Des questionnaires pré/post formation, des discussions de groupe, des observations et des entretiens ont été utilisés pour collecter les données, analysées de manière quantitative (statistiques descriptives) et qualitative (analyse thématique inspirée de Braun et Clarke, 2006).
J’ai eu la chance de participer en personne à la première phase du projet pilote lors de mon séjour d’un mois au Bangladesh. J’ai rencontré les parties prenantes locales, visité un hôpital afin d’observer les réalités du terrain et pris part à l’analyse des résultats préliminaires. J’ai aussi eu l’occasion de contribuer à la réalisation de trois livrables : une note de politique interventionniste pour appuyer l’expansion du programme, une présentation des résultats, des défis et des prochaines étapes auprès des partenaires, ainsi qu’un livret de soutien à la formation destiné aux formatrices et aux préceptrices. Cette expérience m’a permis de mieux comprendre les défis quotidiens du milieu infirmier dans un contexte à ressources limitées, tout en observant concrètement comment les principes de la santé mondiale se traduisent sur le terrain. Éric Theriault, Coordonnateur (et ancien stagiaire) à l’USI.
Les résultats de l’évaluation indiquent une amélioration notable de la compréhension du rôle de préceptrice et des compétences pédagogiques. Plusieurs défis ont également été identifiés, notamment les difficultés d’accès à une connexion Internet stable et la nécessité d’adapter davantage le contenu des modules aux réalités locales. Néanmoins, les résultats confirment la faisabilité et l’acceptabilité de la formation en ligne dans un contexte à ressources limitées, tout en soulignant l’importance d’une adaptation culturelle, d’un soutien institutionnel formel, et du développement de communautés de pratique pour en assurer la pérennité et la mise à l’échelle du programme.
Nous sommes très heureuses d’avoir participé à un tel projet pilote. En fait, la formation en préceptorat n’est pas un processus unilatéral ; les préceptrices et les stagiaires en ont tous deux bénéficié. Nous avons essayé de mettre à jour nos propres connaissances et de les partager avec les stagiaires, tandis qu’elles partageaient leurs expériences de stage vécues avec nous. Avoir une préceptrice les encourageait à être encore plus désireux d’apprendre, ce qui était vraiment admirable. J’espère sincèrement que davantage de préceptrices seront formées à l’avenir. Farjana Aktar, formatrice de précept.eurs.rices, Cumilla Medical College Hospital.
Ce projet pilote enrichit les pratiques en santé mondiale en proposant une approche concrète, adaptée aux réalités socioculturelles et organisationnelles du Bangladesh, pour améliorer la formation en préceptorat des infirmières et favoriser leur autonomisation professionnelle.
Sources :
Skivington, K., Matthews, L., Simpson, S. A., Craig, P., Baird, J., Blazeby, J. M., Boyd, K. A., Craig, N., French, D. P., McIntosh, E., Petticrew, M., Rycroft-Malone, J., White, M., & Moore, L. (2021). A new framework for developing and evaluating complex interventions: update of Medical Research Council guidance. BMJ, n2061. doi.org/10.1136/bmj.n2061
Braun, V., & Clarke, V. (2006). Using thematic analysis in psychology. Qualitative Research in Psychology, 3(2), 77–101. doi.org/10.1191/1478088706qp063oa