Suite au 8ème congrès mondial des infirmières francophones qui s’est déroulé du 16 au 20 octobre à Ottawa qui a rassemblé plus de 1200 participants, 500 communicants et 7 panels internationaux (résumé post-congres), le SIDIIEF et l’USI ont décidé de tenir une programmation spéciale ce 24 mars s’adressant aux infirmières qui n’ont pu participer au congrès et qui proviennent de pays hors OCDE sur le thème : La force du savoir infirmier en réponse aux défis de santé des pays émergents, 120 personnes ont pu visionner les grandes conférences du 8ieme congrès et participer au panel international animé et composé d’expert.e.s en soins infirmiers issus de pays en émergence :
-Rachid Fares, infirmier Ph. D. (Sc. pol. et droit public), doyen, Faculté des Sciences et Techniques de Santé, Université Mohammed VI des Sciences et de la Santé − Maroc
-Yarpeu Gabin Maka, infirmier diplômé d’État, président, Association nationale des infirmières et infirmiers de Côte d’Ivoire – Côte d’Ivoire
-Ismaïla Mbaye, infirmier, TSS, président, Association nationale des infirmières et infirmiers diplômés d’État du Sénégal − Sénégal
-Odette Mwamba-Banza, infirmière, L. Sc. Inf., M. (Santé publique), députée nationale, ancienne directrice des soins, Clinique Ngaliema − République démocratique du Congo
-Rima Sassine Kazan, infirmière, Ph. D., doyen, Faculté des sciences infirmières de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth et présidente, Ordre des infirmier/es au Liban − Liban
-Cynthia Tigalekou, infirmière, Ph. D., responsable de la section Soins infirmiers, Institut national de formation d’action sanitaire et sociale – Gabon et membre du Conseil consultatif sur la formation infirmières du SIDIIEF.
Plus de 70 personnes ont répondu présentes, dont une partie provenaient des divers projets que mène actuellement l’USI au Maroc, au Liban, en République démocratique du Congo ou encore au Mali. Trois grands axes ont été abordés.
Formation infirmière et développement de la recherche
Le premier axe a mis en exergue l’importance et les lacunes au niveau de la formation des infirmières et infirmiers.
« Nous constatons une augmentation des étudiant.e.s mais les infrastructures dédiées à la formation n’ont pas évolué et cela nuit grandement à la qualité de l’enseignement. Des stratégies sont menées avec notamment la mise en place de cours en ligne et d’un réseau de tutorat pour l’encadrement clinique sur le terrain » Yarpeu Gabin Maka, Côte d’Ivoire.
« Au Sénégal, nous avons procédé à l’harmonisation des programmations, tel qu’assigné par l’Organisation ouest africaine de la santé (OOAS) mais nous manquons d’enseignants mais aussi d’opportunités pour organiser des stages de terrain. Des solutions sont en train d’être mises en place, comme le projet de la JIKA qui va aider à améliorer la qualité des stages cliniques à l’attention des infirmières et sage-femmes sur le terrain ». Ismaïla Mbaye, Sénégal.
Plusieurs pays émergents sont passés au système ¹LMD, dont le Gabon grâce au partenariat avec l’Université du Québec à Trois-Rivières, qui illustre toute l’importance de l’uniformisation de la formation en sciences infirmières et de la coopération internationale. Malgré tout, l’universalisation de la formation infirmière dans la francophonie est encore insuffisante et entrave les échanges entre pays. En effet, la problématique de la mobilité a été soulignée. Malgré la pénurie mondiale de personnel infirmier, dû au manque d’enseignant.e.s et de valorisation de la profession au niveau salarial, la plupart reconnaissent avoir (eu) des difficultés pour pouvoir aller étudier, enseigner ou travailler dans d’autres pays d’Afrique ou du monde. Cela pour diverses raisons : pas d’équivalence au niveau de la formation, coût élevé des études sur place ou encore difficultés à obtenir un visa.
Les enjeux concernant l’exode du corps infirmier a été soulevé. Des pistes de solution en regard à l’amélioration des conditions de travail, la considération et revalorisation de la profession infirmière, la poursuite du développement d’une formation solide et de haut niveau et, enfin le leadership infirmier ont été évoquées. Autant de sujets que le SIDIIEF, à travers son réseau peut supporter.
L’accent a également été mis sur l’importance de la recherche en sciences infirmières. Rima Sassine Kazan a souligné que le Liban s’est investi dans la recherche clinique, ce qui a eu un réel impact sur les pratiques infirmières mais surtout sur les politiques et le système de santé.
Organisation des soins infirmiers et les innovations infirmières
Dans cet axe, les panélistes ont partagé certains projets porteurs d’innovation clinique, notamment dans la prise en charge infirmière pendant la pandémie. Par exemple, le Sénégal a opté pour les cours en ligne qui ont permis à plusieurs étudiant.e.s de poursuivre leur formation. L’Université Saint-Joseph de Beyrouth a formé une partie de son corps enseignant aux nouvelles technologies qui seront intégrées dans la formation et développeront une nouvelle façon d’enseigner pour mieux répondre aux besoins de la nouvelle génération.
« Depuis 1984, la direction des soins infirmiers a été instituée en RDC. […] Nous n’avons pas une direction au niveau national mais seulement au niveau des hôpitaux. […] avec une hiérarchie distincte qui ne dépend pas d’un médecin et une démarche propre aux soins infirmiers. Cette autonomie nous a permis de mener certaines recherches. » Odette Mwamba-Banza, RDC.
En 2014, l’hôpital Canadien D’Oyem, au Gabon, a instauré la Direction des soins infirmiers obstétricaux (DSIO). Cette innovation a été impulsée dans le cadre d’un projet d'assistance technique à l’opération mené par l’USI qui visait à consolider les acquis et fournir de l’expertise en gestion hospitalière. Rappelons que la DSI a un rôle important, elle est le chef de file des soins infirmiers en assurant la sauvegarde de hautes normes de qualité en créant un environnement propice à l’enseignement, à la recherche et au développement de l’excellence clinique. Elle porte la responsabilité de la vision des soins infirmiers.
Influence politique des infirmières et infirmiers
Pour finir, le troisième axe a mis l’accent sur la nécessité et le pouvoir de l’influence politique du personnel infirmier ainsi que l’importance de mettre en place le réseautage et le leadership infirmier. Les plaidoyers et le lobbying ont été cités comme étant des solutions pertinentes pour inciter les politiques à investir dans les soins infirmiers.
« L’ordre professionnel est important car il permet de reconnaitre une éthique et notre code déontologique qui nous donne une ligne de conduite sur le terrain. Le développement de la profession infirmière ne peut être soutenu qu’avec nos propres compétences et connaissances. […] Le réseautage est très important, le SIDIIEF a fait un travail important de lobbying auprès de nos politiques. […] Nous travaillons pour le bien-être des populations, mais comment pouvons-nous les protéger si nous ne sommes pas organisés. Il faut développer un leadership infirmer, capable de fédérer tout le monde. » Odette Mwamba-Banza, RDC.
« Nous devons diffuser notre savoir et nos innovations et être intégré dans des groupes à influence politique. Je dis aux infirmièr.e.s, osez prendre la parole, vous avez toutes les compétences et les savoirs nécessaires. » Rima Sassine Kazan, Liban.
Tous les pays en émergence ne bénéficient pas encore d’un ordre professionnel mais tous s’entendent sur la nécessité d’avoir des instances représentatives au niveau national, pour influencer les politiques et prendre part aux discussions.
Solidarité, universalisation et leadership ont résonné comme étant les mots d’ordres pour les années à venir. Cet événement, tout comme le congrès, a enrichi la réflexion collective et apporté certaines pistes de solutions. C’est en perpétuant ce genre d’événement, collaboratif et solidaire, que les savoirs continueront à circuler au sein de la communauté infirmière francophone, qui a grand besoin d’être revalorisée et mieux considérée par les gouvernements, et ce, pour la santé de tous.
¹ Licence-Master-Doctorat. Système qui permet d'uniformiser les cycles et d'organiser la reconnaissance des diplômes entre les pays.
A propos du SIDIIEF
Le Secrétariat international des infirmières et infirmiers de l’espace francophone (SIDIIEF) est une organisation internationale non gouvernementale sans but lucratif. Le SIDIIEF a pour mission de mettre en réseau les infirmières et infirmiers francophones, de faciliter le partage des savoirs, de mettre en valeur le leadership infirmier et de sensibiliser les décideurs et le grand public au rôle que joue la profession dans la santé des populations. L’USI est membre du SIDIIEF et collabore avec l’organisation sur certains projets.