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Un projet de 30 M$ pour transformer durablement la santé sexuelle et reproductive

Ce projet vise à renforcer la santé sexuelle et reproductive en Haïti, en Colombie et au Guatemala pour plus d’équité et de justice sociale.

Lancement du projet régional en Colombie. De gauche à droite : Chrisny Félix, coordonnateur santé Haiti, Karina Dubois-Nguyen, directrice (USI), Islene Lazo, coordonnatrice principale (USI), Brigitte Cotte, médecin en santé publique, Marie Dorey, étudiant à la maitrise de santé publique de l'ESPUN et stagiaire (USI). Crédit : USI.

Article écrit par UdeM Nouvelles.

Dans un contexte mondial où les inégalités en matière de santé sexuelle et reproductive persistent, un consortium québécois formé de l’Unité de santé internationale de l’Université de Montréal (USI), d’Avocats sans frontières Canada (ASF Canada) et du Centre d’étude et de coopération internationale (CECI) vient d’obtenir 30 M$ du gouvernement du Canada pour mettre en œuvre le projet «Ma santé, Mes droits / Sante Mwen, Dwa Mwen / Mi Salud, Mis Derechos», une initiative d’envergure qui s’étendra jusqu’en 2032.

Son ambition est de renforcer la résilience, l’équité et la sensibilité au genre dans les systèmes de santé en Haïti, en Colombie et au Guatemala tout en plaçant les femmes et les filles au cœur du changement.

Une initiative née d’une vision commune

Le projet «Ma santé, Mes droits / Sante Mwen, Dwa Mwen / Mi Salud, Mis Derechos» s’inscrit dans la foulée de la politique décanale canadienne d’engagement pour la santé et les droits sexuels et reproductifs, dont l’objectif est de combler les lacunes persistantes dans l’accès à des soins de qualité pour les femmes, les adolescentes et les enfants les plus marginalisés.

«Nous visons l’amélioration de la santé des populations les plus vulnérables. L’appel d’offres canadien mettait l’accent sur des secteurs négligés de la santé et des droits sexuels et reproductifs: planification familiale, violences basées sur le genre, soins sécuritaires en matière d’avortement, éducation sexuelle complète, etc. Ce sont des secteurs où notre expertise collective peut réellement faire avancer les choses», explique Karina Dubois-Nguyen, directrice de l’USI.

Cette collaboration entre l’USI, ASF Canada et le CECI ne doit rien au hasard. Les partenaires se connaissent bien et partagent une longue histoire de travail dans plusieurs pays à faible et moyen revenu.

«Nous sommes trois organisations reconnues pour nos expertises complémentaires, signale le directeur du CECI pour Haïti, Claude Phanord.L’Université de Montréal se concentre sur le renforcement des services de santé, notre organisation sur la mobilisation communautaire et Avocats sans frontières sur le volet juridique. Ensemble, nous couvrons tout le spectre: de l’accès aux soins jusqu’à la défense des droits.»

Trois pays, une même quête d’équité

Le choix d’Haïti, de la Colombie et du Guatemala n’est pas anodin.

«Haïti était selon nous non négociable, confie Karina Dubois-Nguyen. Nous y travaillons depuis plus de 35 ans avec des partenaires solides et des résultats tangibles. Le Guatemala offre une occasion de collaborer et d’apprendre avec les communautés autochtones afin de renforcer les services de santé et les rendre plus inclusifs. En Colombie, nous pouvons nous inspirer de ses avancées légales en matière d’avortement et de justice reproductive.»

Pour Stelsie Angers, directrice d’ASF pour la Colombie, cette approche régionale ouvre aussi la voie à un apprentissage mutuel:

«Chaque pays a ses défis, mais aussi des expériences inspirantes à partager. La Colombie, par exemple, a beaucoup progressé sur les droits reproductifs. Le Guatemala, lui, travaille à la reconnaissance des savoirs traditionnels. Ce projet permettra ainsi d’échanger de bonnes pratiques et de créer des synergies entre les trois contextes.»

Cette logique d’interconnexion est au cœur de la philosophie du projet. En s’appuyant sur des réseaux déjà implantés, les partenaires entendent tisser des ponts entre les organismes publics, les universités, les organisations de la société civile et les communautés locales.

Des obstacles importants, des réponses multisectorielles

Dans les trois pays ciblés, les obstacles à la santé sexuelle et reproductive sont multiples et imbriqués. La pauvreté, l’insécurité, les tabous socioculturels, la faiblesse des infrastructures et le manque de formation du personnel de la santé continuent de priver plusieurs milliers de femmes et de jeunes filles de leurs droits fondamentaux.

«Nous faisons face à des barrières géographiques et économiques importantes, mentionne Karina Dubois-Nguyen. Dans certaines zones, il n’y a simplement pas de services. Nous devons innover avec des cliniques mobiles, la télémédecine ou encore des approches communautaires adaptées aux réalités locales.»

Mais les obstacles ne sont pas seulement matériels. «Dans plusieurs communautés, parler de planification familiale ou de sexualité reste tabou, ajoute Claude Phanord. Il y a un énorme déficit d’information. Une partie de notre travail consiste à briser ces silences. Le tout survient alors que le système de santé se dégrade, avec un manque criant de soutien aux communautés migrantes déplacées – dont beaucoup de femmes enceintes – à la frontière avec la République dominicaine.»

 

Crédit : CECI.

Sur le plan juridique, les défis sont tout aussi considérables. «Dans plusieurs cas, les lois existent, mais ne sont pas appliquées, déplore Stelsie Angers. Avec le projet, nous allons travailler à la fois sur la formation des acteurs de la justice et sur la modernisation des cadres normatifs. Nous voulons que les droits sexuels et reproductifs cessent d’être théoriques pour devenir concrets.»

Pour y parvenir, les auteurs du projet «Ma santé, Mes droits / Sante Mwen, Dwa Mwen / Mi Salud, Mis Derechos» adoptent une approche intersectorielle. Ils prévoient entre autres renforcer des services de santé communautaires, proposer des formations pour le personnel de la santé, faire de la sensibilisation communautaire sur la santé reproductive et la prévention des violences, créer des comités de femmes qui soient des relais entre les communautés et les organisations et accompagner juridiquement les victimes de violences basées sur le genre.

Dans l’esprit du consortium, la réussite du projet repose avant tout sur la collaboration entre les échelons locaux et nationaux et sur la reconnaissance du savoir des communautés elles-mêmes.

«Nous n’imposons pas des modèles venus d’ailleurs, insiste Karina Dubois-Nguyen. En collaboration avec les organisations publiques, nous souhaitons valoriser les savoirs locaux et travailler avec les parteras, les comadronas, les matrones. Ce sont elles qui ont la confiance des femmes dans leurs communautés.» Karina Dubois-Nguyen, directrice de l'Unité de santé internationale à l'Université de Montréal

Un engagement pour l’égalité et la dignité

Le projet «Ma santé, Mes droits / Sante Mwen, Dwa Mwen / Mi Salud, Mis Derechos» porte ainsi une ambition profondément humaine: rendre la santé sexuelle et reproductive accessible, sécuritaire et respectueuse des droits pour toutes. Il s’agit, au fond, de garantir que chaque femme, chaque adolescente de ces trois pays puisse disposer librement de son corps et de son avenir. En réunissant la santé, la justice et la société civile, le projet entend bâtir des systèmes plus justes, inclusifs et résilients. Et à travers la coopération internationale, il rappelle que les droits sexuels et reproductifs sont trop souvent relégués au second plan, mais qu’ils demeurent au cœur de l’égalité entre les femmes et les hommes.

«Ce que nous visons, conclut Karina Dubois-Nguyen, c’est progresser vers une véritable transformation sociale. Une société où les femmes, les adolescentes et les enfants peuvent jouir pleinement de leurs droits.»